« Femmes des années 80,
(pour s’être à l’époque bardées de prestigieux diplômes dans les plus grandes écoles de la République)
elles ont réussi l’amalgame de l’autorité et du charme,
(au fil d’années passées en entreprise, ou dans la fonction publique pour commencer)
Maîtriser à fond le système
Accéder au pouvoir suprême,
S’installer à la présidence
Et de la faire bouger l’entreprise France … »
Pour Sophie Bellon c’est chose faite. Ou presque ! Nommée à la présidence de Sodexo (lire le blog-note du 10 février 2016 ) en début d’année, la voilà devenue en cette fin du mois de mars, la première femme patronne du Cac 40 de l’histoire. A en croire les médias ! A la faveur du grand retour du groupe familial de restauration collective et leader mondial du service aux entreprises dans le gotha des quarante plus grosses valeurs françaises cotées composant l’indice phare de la Bourse de Paris, journaux, télévisions et radios, l’ont immortalisée et iconifiée dans ce statut, en lui consacrant à tour de rôle leur Une, des portraits en pleine page, ou le sujet d’ouverture de leur JT. Sophie Bellon est donc entrée dans l’histoire du capitalisme français et dans celle de la révolution silencieuse de la gouvernance d’entreprise en France.
Du moins, les médias l’y ont-ils précipitée. Un peu hâtivement, à dire vrai si l’on y regarde de plus près. La primeur d’une présidence non exécutive d’un groupe du Cac 40 est revenue depuis bien longtemps à la très discrète et respectable Elisabeth Badinter, chez Publicis. Une histoire de succession familiale là aussi ! Mais, les observateurs et les apôtres de la mixité, à marche forcée dans la gouvernance des plus beaux fleurons du capitalisme de la maison France, ont tendance à l’oublier. Dieu merci des mémoires collectives existent. Muriel Motte, belle plume de la rédaction de l’Opinion, en fait partie. Elle a rétabli cette vérité ou du moins cette réalité dans la foulée du 8 mars. Le CAC40 et son trio de femmes remarquables | L’Opinion
Sur le chapitre de la Gouvernance d’entreprise, une femme aurait pu, en cette année 2016, vraiment marquer l’histoire d’une nouvelle avancée positive, c’est Isabelle Kocher, la brillante directrice générale déléguée d’Engie. Elle était promise non pas à une présidence non exécutive mais à la fonction monale qui réunit présidence et direction générale. C’eut été réellement une première ! Seulement voilà, celui qui la destinait à ce pouvoir suprême s’est ravisé. Isabelle Kocher devra ce contenter de la direction générale de son groupe et composer pendant deux ans avec l’indéracinable Gérard Mestrallet.
Que les farouches partisans et promoteurs de la mixité dans les conseils se rassurent. Ce contretemps fâcheux porte d’abord atteinte à l’image du groupe Engie et à sa réputation. Il retarde ensuite un peu le jour où, en France, une femme de talent accédera au pouvoir suprême dans une entreprise de premier plan. Mais en attendant, d’autres CACqueluches vont faire des entrées remarquées dans les conseils d’administration de grands groupes cotés à la Bourse de Paris. A commencer par Clara Gaymard, déjà en action chez Veolia Environnement, qui est proposée pour un siège chez LVMH, Bouygues et Danone, Sophie L’Hélias, Laurence Boone et Sapna Sood chez Kering, Angelien Kemna et Irene Dorner chez Axa, ou encore Olivia Qiu chez Renault.
Avec 35% en moyenne de femmes aujourd’hui dans les conseils d’administration du CAC 40 et 32% dans ceux du SBF 120, la France n’est ni en reste, ni a priori en retard pour satisfaire au quota légal de 40% prévu par la loi pour 2017, qui impose aux groupes de plus de 500 salariés et au chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros, de satisfaire cette exigence. Si la démonstration est désormais faite que les femmes ne sont plus par leur rareté d’antan une exception dans les conseils d’administration, il leur reste à confirmer que les femmes d’exception sont capables de bousculer les ordres établis et favoriser les «best practices» de la gouvernance en France.
Bruno Segré brunosegre@bscs.fr