Souvenez-vous ! Le 22 novembre dernier, à une heure et trente minutes de la clôture de la séance à la Bourse de Paris, Vinci, ce géant mondial de la construction et de la gestion des concessions coté à la Bourse de Paris, a vu le cours de son action torpillé par la publication d’une série de trois communiqués financiers et être envoyé par le fond (- 19%) en l’espace d’une dizaine de minutes, à la faveur de la reprise sans sourciller par des agences de presse et des médias réputés en principe pour leur professionnalisme dans le traitement de l’information de ce qui est apparu très vite comme des faux. Cette affaire inédite en France n’en finit pas de « secouer la Place » et de « faire réfléchir toutes les sociétés cotées », nous révélait Le Figaro dans son édition datée du 29 décembre sous la plume de Bertille Bayart. (voir le blog-notes Décembre 2016 : Le TOP 5 du récit de l’affaire Vinci par les médias)
Ce torpillage intentionnel du cours de l’action Vinci oblige dans l’immédiat l’Autorité des marchés financiers (AMF) à faire, dans la mesure du possible, la lumière sur l’identité de ses auteurs et leur finalité. De prime abord, deux hypothèses à ce stade doivent être envisagées. Celle de la déstabilisation du groupe Vinci et du sabotage pur et simple organisé via les marchés financiers, comme voudrait le laisser supposer le troisième communiqué aux allures de revendication politico-médiatique, avec en toile de fond le chantier âprement contesté de la construction à Notre-Dame-des-Landes d’un nouvel aéroport pour Nantes et sa région. Ou celle d’une redoutable opération de manipulation de cours savamment et brillamment orchestrée. Pour l’AMF il est clair qu’ « il s’agit de diffusion de fausses informations. Et il convient de vérifier qui pourrait en avoir tiré profit », a précisé de fait le gendarme de la Bourse dans son communiqué publié au lendemain de l’affaire.
En attendant que la lumière soit faite sur ce point, cette « Affaire Vinci » révèle d’abord de sérieuses failles dans la certification de la diffusion et du traitement de l’information financière, qu’il va falloir combler au plus vite. La procédure d’émission et de diffusion des communiqués financiers par les sociétés cotées appelle, à la lumière de cette affaire, à des garde-fous et des pare-feu pour garantir l’authentification des émetteurs cotés à l’occasion d’une diffusion de communiqué financier, et la certification des contenus de ce dernier. A ce titre, le régulateur boursier ajoutait dans son communiqué du 23 novembre : « L’AMF va travailler avec l’ensemble des parties concernées afin de limiter à l’avenir ce type de risque et son impact sur les marchés financiers. »
La réflexion est à notre connaissance belle et bien engagée. En matière de diffusion de l’information règlementée par les sociétés cotées, l’AMF a édicté des règles. Ces dernières ont connu au fil du temps des aménagements, voire des assouplissements, pour tenir compte notamment de la révolution numérique et des possibilités offertes par Internet et le digital dans la diffusion instantanée au plus grand nombre et pour l’archivage. Selon nos informations, parmi les pistes explorées, les « wire », ces diffuseurs professionnels de communiqués agréés par l’autorité, pourraient voir à l’avenir leur rôle renforcé et redevenir incontournables pour garantir l’authentification et la certification de l’information réglementée diffusée par les émetteurs cotés.
D’ici là, les règles en vigueur font obligation aux sociétés ou à leurs diffuseurs, de déposer leur information réglementée sur l’extranet ONDE de l’AMF au moment de sa diffusion au public. Dans le même temps, les sociétés émettrices sont aussi tenues de mettre en ligne cette information sur leur propre site. Ces règles de base de la diffusion d’information réglementée à l’évidence méconnues, ou à tout le moins largement ignorées dans les médias, seraient utiles à faire connaître, à repréciser et à ressasser dans les rédactions de France et de Navarre, pour que tout bon journaliste qui se respecte ait le réflexe de s’assurer qu’un communiqué reçu n’est officiel et authentifiable que si il est disponible sur l’Internet de son émetteur ou sur ONDE. Autre ligne de conduite à respecter avant tout, la vérification sans relâche de l’information et de ses sources. Une règle d’or qui ne se rappelle jamais assez, alors que les médias se livrent depuis l’avènement de l’information en ligne et en continu, à une course effrénée et perverse à l’instantanéité.
Bruno Segré brunosegre@bscs.fr