Une première dans la gouvernance au sein du CAC 40. Après l’entrée en force remarquée et saluée l’an dernier de personnalités féminines à des postes clés du gouvernement d’entreprise de grands groupes français cotés à la Bourse de Paris (Sophie Bellon à la présidence de Sodexo et Isabelle Kocher à la direction générale d’Engie), la nomination d’une personnalité de premier plan de la vie politique française au poste d’administrateur indépendant, et de président du comité stratégie internationale du groupe Accor, constitue une vraie nouveauté en ce début 2017. Et cette nomination n’est pas passée inaperçue.
La décision de son président-directeur général Sébastien Bazin de proposer aux actionnaires, à l’occasion de la prochaine assemblée générale du groupe hôtelier, de valider la cooptation de l’ancien Président de la République Nicolas Sarkozy pour un siège d’administrateur, constitue un événement. Le choix est inédit et pour le moins inattendu, à l’échelle de la France. « Jamais aucun ancien chef d’Etat n’avait franchi la porte d’un conseil d’administration d’une entreprise du CAC 40 » n’a pas manqué de souligner Le Figaro dans son édition datée du 22 février. Alors qu’en Allemagne notamment, un précédent existe, avec l’ancien Chancelier Gerhard Schröder, entré en 2009 au conseil d’administration du pétrolier TNK-BP, a rappelé très justement Le Figaro.
En France où la vox populi et médiatique est toujours prompte à soupçonner et présumer l’existence de conflits ou de prises illégales d’intérêt dans les relations ou la proximité que le politique peut avoir avec le monde des affaires, la nomination de Nicolas Sarkozy bouleverse à tout le moins les codes. Elle marque à l’évidence une nouvelle étape dans l’évolution accélérée ces dernières années des « best practices » de la Corporate Governance, au sens anglo-saxon, vers plus de mixité et plus de diversité des profils au sein des conseils. La diversité s’est ainsi jusqu’à présent déclinée dans la recherche de profils d’administrateurs, qui par leur nationalité, par un parcours professionnel, incarnaient l’expression de la mondialisation de l’économie, le développement ou l’expérience réussie à l’international. Et dans cet ordre des choses, la nomination de Nicolas Sarkozy ne fait pas débat.
L’ancien Président de la République, au long de son quinquennat, a joué un rôle majeur sur le devant de la scène économique et politique internationale. Il ne manque donc ni d’atouts ni d’expertise pour favoriser, aider et apporter expertise et contribution au développement et au rayonnement du groupe hôtelier à l’international. Ambassadeur de la marque et du groupe au plus haut niveau des Etats dans lesquels Accor entend poursuivre, accélérer ou consolider son implantation et son expansion, l’ancien Chef de l’État se révèlera à n’en pas douter précieux.
En passant au « Crible », dans son édition datée du 23 février, le quotidien économique Les Echos s’est même livré à un décryptage encore plus fin de cette nomination et de sa pertinence. Pour Les Echos, Accor a trouvé en la personne de Nicolas Sarkozy « mieux qu’une pilule empoisonnée » face au premier actionnaire du groupe hôtelier, le Chinois Jin Jiang, qui se retrouve, à la faveur du désengagement du fonds Colony, plus que jamais en position de force pour revendiquer un siège au conseil. Une représentation à n’en pas douter aussi stratégique que conflictuelle au sein des instances de gouvernance du groupe, à l’heure où ce dernier s’apprête à « transformer en or » tout ou partie des murs de ses hôtels qui sont encore sa propriété.
Atypique, la nomination de l’ancien Président de la République apparaît donc au bout du compte, hautement stratégique et tactique.
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Bruno Segré brunosegre@bscs.fr